A la pêche...aux infos [Mardi, matin (11h)]

*Alors c'est comme ça ?*

Christophe observait le port de Sainte-Justice, ni déçu ni impressionné. Il avait souvent passé du temps ici, lors de ses voyages au Bengale et en revenant, mais ça s'était toujours passé la nuit. Jamais il n'avait vu cette partie de la cité de jour, et finalement rien ne changeait vraiment. Il y avait juste plus de monde et il pouvait mieux voir la pyramide désormais en face de lui. Rien de vraiment excitant.

Il bailla légèrement avant de craquer sa nuque ; il était sans costume, et passa sa main sur son crâne presque chauve. Il n'avait dormi que quelques heures, encore excité par la veille : il avait aimé être le Fantôme. Même s'il ne pensait pas que ça puisse lui plaire autant, il s'était pris au jeu et semblait comprendre un peu plus ce qui avait poussé sa famille à suivre le voeu ancestral. Evidemment, ça tenait beaucoup à leur envie commune de réduire à néant les injustices...mais c'était quand même sacrément excitant et jouissif d'être une telle légende. Un énorme sourire avait lézardé son visage toute la matinée, mais il avait désormais disparu.
Les choses sérieuses devaient commencer.

Walker était là, habillé d'un simple jeans bleu et d'un t-shirt noir, à observer la vie du port. Il voulait en savoir plus sur le Taureau et découvrir comment il était mouillé dans l'affaire de Muscle d'Or. Il ne faisait pas confiance à ce dernier, mais il était le seul à l'avoir aidé et pouvait avoir plus vite des informations sur le meurtre de son père que lui...il savait où faire mal, finalement. Lui pas encore.

Le jeune héros se trouvait donc sur le port, ne sachant pas vraiment où aller. Peut-être que son destin le pousserait dans la bonne direction, ou qu'il ferait la bonne rencontre, mais en tout cas il se mit à marcher vers l'entrée de la pyramide.

Le port était rempli d'agents d'import export. On achetait des marchandises, on en vendait... le flux incessant des produits avait provoqué chez eux une lassitude profonde. Des groupes de dockers aidaient à transporter les caisses. Bourrus et grandes gueules, ils formaient un syndicat puissant et verrouillé. Le transport de marchandises illégales ne pouvaient évidement pas se faire sans laisser une commission salée à l'Union des Dockers de Sainte-Justice.

Près de Walker, une bonne femme montrait du doigt un article dans le journal à l'une de ses connaissances. Leur conversation portait sur une nouvelle députée Sans-Béret, Yoko Tsuno, déjà surnommée par le petit peuple "La Petite Chinetoque". Elle avait fait sensation hier en mettant à mal le braquage du parc d'attraction au nom de Super Dupont. Elles parlèrent ensuite du coup de cœur de leurs adolescentes pour Super-Templier et Le Viseur, les nouvelles coqueluches montantes du monde des super-héros. Les costumés étaient au centre de la société, et chacun les prenait comme il le souhaitait.

Quelques vieillards discutaient au soleil sur un banc municipal, face à la mer. Ils braillaient sur la vie d'aujourd'hui et se montraient nostalgiques. Une jeune femme moulée dans un agréable débardeur blanc scruta rapidement Christophe avec un petit sourire avant d'avancer.

Christophe laissa ses oreilles traîner un peu partout et dû s'empêcher de ne pas sourire en écoutant les remarques des "anciens" et des plus jeunes sur des sujets différents. Il savait bien que Sainte-Justice était aussi une ville comme les autres, avec ceux qui appréciaient commenter l'actualité avec leur point de vue bien défini et immauble et ceux, souvent des celles d'ailleurs, qui appréciaient s'extasier sur quelques "héros" parfaits et extrêmement séduisants. Jadis, il riait bien de ça et s'enorgueillait d'en savoir plus, de ne pas se laisser aller à ce petit jeu et de préférer une observation d'étudiant à tout ça. Mais maintenant qu'il avait un costume lui aussi, il ne savait plus.

Etait-il devenu comme les autres, était-il devenu leur étape supérieure ? Sans s'en rendre compte, il allait devenir une des nouvelles attractions de la ville - en bien ou en mal. Il avait toujours songé qu'il était différent des autres habitants qui n'avaient qu'un point de vue subjectif, qui appréciaient tel héros parce qu'il était beau ou bien foutu ; lui les étudiait, les décortiquait, donnait une opinion objective et construite.
Oui, il s'était toujours vu comme différent, et il l'était encore...mais d'une autre manière. Qu'était-il en train de devenir ? Qu'était-il devenu ? Il avait embrassé après plusieurs heures d'interrogation la carrière paternelle et ancestrale pour retrouver le meurtrier de son père...et parce que c'était ce qu'on attendait de lui. C'était sa destinée, immuable...ou bien ça semblait l'être.

Pourquoi faisait-il cela ? Par vengeance ? Par plaisir, comme il l'avait ressenti hier soir ? Ou bien parce qu'il suivait ce qu'on attendait de lui ? Il n'aimait pas cette idée. Walker avait toujours voulu faire sa vie comme il l'entendait, devenir ce qu'il voulait lui. Et voilà qu'il suivait la lignée ancestrale naturellement...sans plus de souci que ça, autres que ceux pour la forme. Qu'est-ce que ça voulait dire sur lui ? Qu'est-ce que tout ça, ce choix si rapide et ces interrogations ultérieures, voulaient dire sur ce qu'il voulait faire de sa vie ?

Malheureusement, il fut stoppé dans ses réflexions par l'apparition d'une très jolie femme devant lui. Il lui offrit son sourire de charmeur instinctivement, avant de parler d'une voix qui se voulait elle aussi charmeuse.

"Bonjour."

Du coin de l'oeil, il remarqua plus loin une silhouette bien connue des journaux du jour : Yoko, une nouvelle coqueluche quelque peu critiquée, était aussi là. Pourquoi ? Aussi une quête sur le Taureau ? Il garda au coin de l'oeil la jeune femme, songeant à aller lui parler par la suite...après quelques petits moments charmants, bien sûr.

[Transfert du post de Yoko Tsuno]


Yoko Tsuno :

Citation :

Les journaux avaient bien fait leur travail et il devenait difficile pour la femme de sortir discrètement de chez elle ou de l'Assemblée. Elle avait pris en main la formation des deux jeunes Super-Héros : Le Viseur avait été mis en contact avec un archer de ses connaissances qui avait participé aux derniers jeux olympiques. Super-Templier avait accès quand à lui à son dojo et à un bretteur de ses connaissances qui devrait lui enseigner une botte ou deux. Tous deux avaient aussi accès à l'énorme base de donnée de Tsuno Electronics ainsi que la possibilité d'apprendre à utiliser tous les moyens de transports possibles et imaginables.

Pour le moment, elle les laissait libre de développer leurs talents comme ils le souhaitaient, ne se faisant pas trop invasive. Ils savaient les points les plus importants de sa philosophie de Super Héros et les avaient repris à leur compte, ce qui suffisait pour le moment.

La dernière affaire avait eu une conclusion étrange : contacter Muscle d'Or? Il n'avait pas eu des démêlées avec la population suite à ses fréquentations louches ou plutôt trop jeunes pour lui? Devoir traiter d'égal à égal avec un paria ne l'enchantait guère.

Elle se trouvait sur les docks de l'île du port à dessein : Aujourd'hui devait arriver une cargaison pour sa compagnie. Six containers de matériel électronique, chimique et physique d'une société australienne. Il y en avait pour près de 200 millions d'euros et même si c'était impossible à revendre vu la nature des machines il fallait éviter que ce soit détruit ou endommagé : le résultat serait un retard important dans les recherches en cours. Le processus de création des nouveaux composants électroniques a été émaillé de problèmes importants dont la destruction des appareils de mesure à plusieurs reprises.

Le bateau n'était pas encore là et Yoko profitait du vent marin venant du canal de l'Est.

La présence de la députée Tsuno ne passa pas inaperçue. Une foule se rassemble autour d'elle alors qu'elle contemplait paisiblement la mer. Plusieurs individus lui demandaient des autographes tandis que d'autres la félicitaient. Un miséreux lui demanda même de changer sa vie atroce. L'émergence des super-héros avait provoqué des ravages au sein de l'Eglise : ils étaient devenus les nouveaux dieux. Chacun cherchait à s'attirer leurs faveurs... en contrepartie ils supportaient de facto un lourd fardeau. Deux types louches discutaient plus ou moins ensemble tout en lorgnant sur la nouvelle foule.


Walker faisait lui à présent face à la jeune femme. Belles formes, visage doux muni d'un sourire taquin. La fille n'était pas tout à fait gentille.

"Bonjour... hmm... vous avez vu ? La députée Tsuno dont tout le monde parle est ici. Intriguant non ? "


Elle avait les dents blanches et les cuisses fermes.

Christophe sourit grandement, par réflexe. Il était humain, jeune et...en manque, il fallait bien l'avouer. Même s'il songeait beaucoup à sa mission, même s'il voulait retrouver le meurtrier de son père et qu'il était hors de question de ne pas y arriver, il devait quand même écouter son corps...et ses besoins. Et là, ses hormones lui criaient de se jeter sur la jeune femme et de lui faire vivre les meilleurs moments de son existence.
Mais il ne le ferait pas. Il lui offrirait un verre avant ; il était quand même un gentleman.

"Aussi intriguant que de voir une aussi jolie personne ici. La députée a sûrement envie de connaître le "bas-peuple", ou bien elle veut se donner bonne conscience...je ne pense pas que sa présence ici soit forcément très intéressante. Mais permettez-moi de me présenter : Walker. Chris Walker."

Evidemment, il ne pensait pas du tout ce qu'il disait sur Yoko : il trouvait très intéressant de la voir ici, sur la piste que le journaliste lui avait donné. Il songeait qu'il pourrait trouver des informations ici qui le mèneraient à une solution sur son chemin, mais si elle était là, peut-être que cela irait encore plus vite ! Il faudrait qu'il trouve un moyen d'entrer en contact avec elle discrètement, mais un coup d'oeil lui suffit pour voir deux types "louches" qui observaient la scène. Peut-être était-ce sa nouvelle condition, peut-être étaient-ce ses vacances passées dans la jungle, mais il savait un peu repérer les choses étranges...et ça en était.
Néanmoins, ne voulant pas non plus perdre une opportunité de satisfaire ses "besoins", Christophe offrit à nouveau un grand sourire à la jeune femme.

"Que faites-vous donc sur le port aussi tôt ? En attente de quelqu'un ?"

Le bateau qui transportait les cargaisons attendues par Yoko arriva rapidement au port. La foule s'était plus ou moins disséminée, certains étant curieux de savoir ce que pouvaient contenir les multiples caisses. Les deux hommes suspects ne bougeaient pas pour le moment.

Le capitaine bien connu de la députée l'invita à bord pour lui donner un premier aperçu des containers. Dans la cale, le vieil homme fut extrêmement surpris lorsqu'il découvrit un homme fortement musclé à la longue chevelure blonde. Il était masqué, il n'eut pas de doutes : c'était Muscle d'Or.

"C'est un lieu tranquille. Tu peux t'en aller vieil homme, j'ai à discuter avec la charmante députée Ono..."

Il se leva tout en grognant légèrement puis s'étira. Il dévisagea ensuite Yoko.

"Fantomette a du vous parler de moi... le héros, le martyr... héhé. Elle me propose de me racheter à travers diverses opérations... et à vos côtés parait-il. Vous avez une équipe avec deux petits puceaux encapuchonnés, je les connais vaguement ces loulous... Il parait que c'est aussi un test pour vous..."

En un centième de seconde, il avait dégainé un long revolver qu'il collait à présent contre le front de Ono. Il souriait largement tout en la scrutant.

"Bof... je peux aussi prendre votre place ?"





Toujours sur le port, la jeune femme souriait devant la drague de Walker. La brise matinale faisait flotter légèrement ses cheveux.

"Christine Bonpart" dit-elle d'une voix suave.


La conversation ne put aller beaucoup plus loin. Les deux hommes louches s'étaient rapprochés et Walker pouvait à présent bien les cerner : assez semblables et de forte corpulence, ils avaient le crâne rasé. Ils sifflaient à présent les deux jeunes.


"Matte moi la gazelle... avec une tapette dans ce genre... nan, sérieux, viens tâter de l'artillerie lourdre poupée !"

Christophe se tourna calmement vers les deux types, et les regarda sans rien dire. Il pourrait se jeter sur eux, casser leurs bras avant de les faire tomber puis les harasser de coups ; il pourrait ravager leurs genoux puis leur couper la respiration avant de les rendre immobiles à jamais par un coup du lapin ; il pourrait les aveugler avant de leur casser des dents et leur frapper la gorge. Il pourrait faire ça, et bien pire.
Mais malgré son envie, malgré son désir, il ne fit rien. Il se rappelait les enseignements paternels et comprenait maintenant ce qu'ils voulaient dire ; il n'était pas l'esclave de ses émotions et de son corps, mais son maître. Et même si c'était dur, jamais il ne devrait céder inutilement à la violence...au moins physique. Verbale, ça pouvait passer.

"Tout dans la bouche, rien dans le slip, c'est ça ?"

Il savait que la provocation n'était pas une bonne chose, mais...il était quand même encore jeune, inexpérimenté, très influencé par ses émotions et...ses désirs. Et il en éprouvait beaucoup pour Christine Bonpart, et il avait bien envie de lui montrer qu'il était capable de tenir tête à deux monstres comme ça ; même si en même temps, il voulait en savoir plus sur la raison de sa présence ici. Dur choix.

"Je pense qu'il vaut mieux s'en aller."

Voulant apaiser un peu la situation et jouer l'homme de paix, Walker se tourna alors et fit un geste pour emmener Christine. Evidemment, ses sens étaient en éveil et même s'il n'était un "héros" que depuis la veille, ses multiples expéditions dans la jungle avec son père lui avaient appris à être attentif aux choses autour de lui et aux réactions d'autrui, même quand il ne les voyait pas. Il espérait que ça suffirait pour éviter que ça ne tourne mal, mais...il avait quand même des doutes.

Les caisses contenues dans les containers étaient grosses mais pas bien lourdes, la majeure partie de la place étant prise par le polystyrène. En accompagnant le vieux capitaine dans la cale, la députée eut la surprise d'y voir un homme masqué. Son allure lui fit vite penser à l'homme grimé de la fête foraine : Muscle d'or! C'était donc bien avec lui qu'elle devrait parler. Rapidement, sa façon de parler agaça la députée Tsuno. Déjà, il écorcha son nom (après le coup de la chinetoque, ça commençait à faire beaucoup!) et il se paya même le loisir de la braquer!

Toujours avec son calme olympien, elle analysa la situation. Non seulement ce type était agressif, mais en plus c'était un imbécile. Il ne faut JAMAIS plaquer son arme contre la tête de quelqu'un qui a les deux bras libres. Surtout quelqu'un comme elle qui avait un solide entrainement de jiu jitsu. Soupirant, elle parla sans se presser.

"Tout d'abord, c'est la députée TSUNO. Et pour prendre ma place, j'ai des doutes, vous ne rentrez pas dans mes kimonos. Je ne sait pas si la chancelière veut tester les limites de ma patience mais, ne m'en voulez pas, j'ai eu une journée pas très agréable..."

La main droite de Tsuno remonta rapidement, se plaquant contre le barillet et le coinçant, empêchant tout coup de feu d'être tiré. Comme un serpent, Yoko se pencha en avant et fit un pas, juste assez pour allonger sa paume gauche contre le menton du tas de muscle. Profitant de l'effet de surprise, elle tordi des deux mains le poignet armé pour le désarmer et se préparait à sortir tout son arsenal de techniques. Son art martial avait cela de pratique que plus l'adversaire était fort, plus les coups qu'il encaissait l'était. Donc avec ce type fier de sa musculature il allait rapidement souffrir!

P.S : libre édition du dernier paragraphe par l'Omniscient.

La députée Tsuno montra une agilité remarquable pour son âge. En quelques secondes, elle avait presque inversé la situation dangereuse dans laquelle elle se trouvait. Muscle d'Or grogna lorsqu'il sentit une paume potentiellement tranchante sur sa gorge.

"Pas mal ma petite..."


Il la renversa brutalement en arrière tout en encaissant un violent coup au ventre qui lui donna la nausée. Il en profita pour dégainer un deuxième flingue dissumulé dans sa bottine droite. Tsuno avait à nouveau un canon sur la tempe mais Muscle d'Or était toujours menacé par sa main. Ex æquo : il se mit à rire à gorge déployée et rangea ses armes.

"Pas mal... députée Tsuno. Enfin une politicarde qui n'est pas sur chaise roulante. Nous allons travailler ensemble. Parlons sérieusement : nous sommes chargés de kidnapper le chef des Néo-Jacobins, cette tante de Benoit Brisefer. Pas évident... mais nécessaire. Vous en saurez bientôt plus, mais nous devons infiltrer la police centrale pour recueillir certaines informations. Des idées ?"




De son côté Christophe pressait Christine de la main pour s'éloigner des deux loubards. La jeune fille le suivit d'abord puis à sa grande surprise elle le prit par les hanches et l'emballa sauvagement. Le baiser dura et lorsque Christophe rouvrit les yeux, la gentille Christine lui chatouillait le ventre avec un couteau tandis que les deux marlous l'entouraient. Ils étaient de mèche, Sainte-Justice était une cité de bâtards immoraux.

"Ah..."

Christophe avait été très agréablement surpris par l'attitude de la jeune femme, et fut encore surpris, mais cette fois de façon moins joyeuse, par sa suite. Il était désormais à sa merci, et ses deux compagnons étaient là, autour de lui, prêts à mettre fin à leur petit jeu.

"Classique, n'est-ce pas ?"

Il était déçu, mais il aurait dû s'en douter : Sainte Justice n'était en rien une ville accueillante pour les honnêtes gens, son père en avait fait l'amère expérience. Il s'en voulait d'avoir écouté ses émotions et d'être dans une telle situation, mais ça le ferait grandir...s'il parvenait à se sortir de là. Mais il avait sa petite idée.

"Je suis désolé."

Walker fit son air le plus triste, ce qui devait déconcentrer la jeune femme, et peut-être moins ses deux camarades. Néanmoins, il ne laissa personne réagir et donna un très violent coup de tête à Christine, avant de frapper le genou de l'homme à sa droite et frapper avec un de ses poings le menton de l'autre. Tout cela n'avait duré que quelques secondes, mais c'était le temps nécessaire pour lui de reculer, prêt à continuer le combat si tout s'était bien passé.