Recherche d'indices musclée [Lundi, Nuit]

Lundi soir, la Poule Gauloise : ambiance chaude, moite où l'alcool coulait à flots, où les yeux avides se posaient sur les jolies serveuses sans oser aller plus loin, par crainte de la correction patronale. Les hommes étaient là pour prendre du temps, se reposer de leurs journées difficiles et douloureuses et tout se passait finalement bien ; même dans un quartier pauvre comme le Gavroche, certaines règles étaient respectées et tous savaient qu'il ne fallait pas venir ennuyer la Poule et son patron. C'était un rendez-vous pour se détendre et être loin de ses soucis, donc à respecter à Sainte-Justice.
Malheureusement, Justice et respect des coutumes locales ne faisaient pas toujours bon ménage et Christophe n'avait aucune envie de faire fi de détails après ce qu'il avait vécu.

Vêtu du costume de son père, pour la première fois, il avait sauté de toit en toit pour rejoindre cet endroit dont il avait entendu parler. Il savait que le quartier n'était pas très réjouissant et était conscient que sa tenue lui attirerait plus d'ennui que d'avantage, mais il ferait avec ; son père avait été tué ou assassiné, il devait savoir par qui et pourquoi. Pour être en paix et devenir ce qu'il devait être.

Ainsi, il s'était donc habillé avec la combinaison rituelle, lui ajoutant des gants et étant obligé de passer ses bagues sous le cuir pour éviter de les perdre. Il savait que ses ancêtres n'apprécieraient pas, mais il était conscient des évolutions de la science criminelle et tenait à éviter d'être fiché avant d'avoir commencé sa destinée ; après tout, il n'avait même pas encore enfanté, il valait mieux être prudent !
Bien sûr, un lourd pincement au coeur lui vint quand il s'était regardé dans la glace : il avait longtemps ignoré cet héritage et devait maintenant l'épouser sans aucun vrai conseil de son père. Ce dernier avait été tué cinq jours plus tôt, il était temps pour lui de se mettre dans le bain et de devenir le Fantôme, cette Légende née du désir profond de Justice de son ancêtre, né de la perte injuste d'un père. Les similitudes lui avaient sauté aux yeux, et il ne pouvait que comprendre Christopher Walker, de Portsmouth ; il serait comme lui, ferait comme lui...et on le craindrait comme lui.

Calme, plus qu'il ne l'aurait pensé, Christophe ouvrit la porte du bar. Sans un mot, il fit deux pas pour arriver dans la salle ; il savait que tous les regards étaient posés sur lui, mais il s'en fichait. Vêtu de son costume violet avec sa culotte rayée, il n'avait pas amené d'armes à feu - il ne voulait pas d'erreur, la première fois. Il laissa passer de longues, longues secondes avant de parler d'une voix calme, mais lourde d'autorité et de menace cachée.

"Un homme a été tué il y a cinq jours dans les quartiers moyens : une balle lui a transperé le coeur alors qu'il se rendait chez son fils, un simple étudiant. Je voudrais savoir si quelqu'un sait quelque chose."

Ce qui voulait bien sûr dire : "mettez-vous à table !", mais en version polie. Il tenait à rester loin de la violence - pour l'instant.

Soirée festive à la Poule Gauloise, pour beaucoup c'était bien le seul lieu dans lequel on était susceptible de décompresser. Les ouvriers dépensaient gaiement leur paye dans une ambiance teintée légèrement d'ivresse. On se tapait dans le dos, on riait à gorge déployée tandis que le patron resservait les habitués.

Les serveuses souriaient, c'était bien leur seule compétence. Les clients leur lançaient deux ou trois paroles câlines, comme des bons pères faute de pouvoir aller plus loin. Le bookmaker traversait la pièce en long et en large, gueulant à qui voulait l'entendre :

"Hé oh les touzes ! Le prochain combat est dans un quart d'heure, le champion Brutus contre un nouveau de chez les bourges de la Royale, le Minois. Je prends les paris !"

Les voix s'échauffèrent, on pouvait entendre des sommes, des insultes et des encouragements. A quoi bon ramener l'argent au foyer alors qu'on pouvait le fructifier grâce à des coqs bientôt étripés ? Une chanson populaire passait en musique de fond, les choppes tintaient.


Tout se passait de façon traditionnelle, lorsqu'un dératé costumé se pointa en seigneur dans le bar. Il n'y alla pas par quatre chemins, planqué sous son masque inconnu au bataillon. Il voulait de l'information.

Toute la salle commença à rire, chacun poussé par son voisin à mépriser de plus en plus fort le super-héros novice. Un ouvrier de forte corpulence se décida à l'interpeller :


"Hé mon gars ! Tu sors d'où ? On t'a jamais vu et tu te la joues déjà gros dur à la Mutocrate ? Dégage vite fait avant qu'on te la crame !"

Sans un mot, Christophe s'avança de l'ouvrir. Il se mit juste devant lui et commença à sourire, doucement ; lentement, son expression devenait plus grande et un petit ricanement sortit de sa bouche. Il sembla aussi se détendre et se mit les mains sur les hanches, alors que son rire devenait plus fort ; il semblait apprécier la blague, et l'atmosphère autour était donc à la franche rigolade.

"Ahahah...elle est bonne...elle est bien bonne..."

Il riait mais n'avait pas de crise de fou rire. L'ouvrier corpulent semblait bien profiter de ces quelques moments où il l'humiliait, et le Fantôme donnait l'impression d'être une bonne pâte.

"Elle est même très bonne..."

Sans que personne ne le voit venir, le rire de Christophe s'arrêta et il donna un très violent coup de pied dans le visage de l'ouvrier, levant parfaitement sa jambe droite pour le frapper latéralement, le faisant lourdement tomber au sol. L'action n'avait duré qu'une seconde, mais avait été d'une violence rare.
Maintenant, son visage ne reflétait en rien le rire ou la bonne humeur : son expression était tendue, froide. Ses mains étaient crispées et ses poings serrés. Il était là pour quelque chose de sérieux.

"Je ne suis pas un Mutocrate, je ne suis pas là pour vous et vos délits. Je veux des informations car un homme est mort près de son fils : que ceux qui ont un jour perdu quelqu'un se rappellent cette douleur et sachent pourquoi il veut que je retrouve le meurtrier. Je ne suis pas là pour la bagarre...mais je ne suis pas là pour perdre mon temps."

Gérard l'ouvrier s'était laissé emporter par quelques chopines trop vite enchainées. Il avait voulu faire le fier devant ses copains, lui qui était brimé toute la journée à l'usine, dans des conditions précaires. Son instinct l'avait pousser à considérer le petit nouveau comme un mariole. Gérard payait par le sang.

Il n'avait pas vu le coup venir, trop rapide, trop puissant. Il avait simplement senti sa mâchoire de tendre, ses pieds se décoller du sol puis s'entendre lui-même chuter lourdement au sol.

Personne ne bougeait, tout le monde s'était à présent retourné. Gérard gémissait sur le parquet sale de la Poule Gauloise. Sa femme la grosse Mathilde n'appréciera sûrement pas ses frasques lorsqu'elle le reverra boursouflé plus tard.

Le silence teinté de respect forcé par la violence. Ceci donna un avant goût assez séducteur au Fantôme de ce que pouvait laisser présager une vie "active" de super-héros.

Une porte de l'arrière salle s'ouvrit. Deux filles brunes et peu vêtues sortirent d'abord, se recoiffant à la hâte sous le regard lubrique de certains clients. Un autre homme sortit alors, une sorte de géant de deux mètres emmitouflé dans un costume d'insecte avec des ailes et des mandibules. Malgré son accoutrement plutôt risible, il arborait une mine colérique tout en remontant la braguette de son pantalon moulant. Il s'approcha du Fantôme et le toisa.


"Bon, un emmerdeur. Violent en plus. Je suis Le Moustique et ce quartier est sous ma protection. Ne parlons même pas de la Poule Gauloise. Tu défourailles un de mes amis sans même te présenter avec ton petit costume ?"

"T'étais peut-être trop occupé à agiter avec tes mandibules dans certaines cavernes humides accueillantes pour entendre ce que j'ai dis...moustique. Je n'ai demandé que des informations sur un meurtre, on m'a mal répondu, j'ai suivi. Tu veux faire de même ? Libre à toi."

Christophe ne souriait pas et parlait d'une voix neutre et calme. Il n'avait pas envie de provoquer plus que ça mais il n'avait pas peur d'une telle masse ; bien sûr, il était impressionnant et il se doutait que cet être pouvait lui faire très mal mais il n'était pas terrifié face à lui. Il était là pour avoir des informations sur le meurtre de son père, mais aussi pour assurer sa réputation. Il ne voulait pas devenir une légende : il désirait trouver celui qui lui avait fait tant de mal pour la Justice, même si ça voulait dire aller plus loin que certaines limites de certains "héros" de la ville.

Lentement, il s'avança donc vers le Moustique, calmement. Il fit quelques pas avant de s'arrêter à environ un mètre cinquante du "héros" ou au moins de l'homme masqué ; il ne souriait toujours pas, il était extrêmement posé malgré tous les regards qui le visaient. Le Fantôme savait qu'il jouait beaucoup là, et qu'il risquait un mauvais coup ; néanmoins, ça le faisait presque sourire. Il commençait à aimer ça.

"Je n'ai pas à dire mon nom : c'est inutile, ça n'intéresse personne. Quelqu'un est mort, tué en pleine rue : je veux savoir pourquoi et par qui. Veux-tu vraiment en venir aux mains pour ça ?"

Le Moustique jouait sa réputation, là.

Un silence mortuaire s'instaura dans la pièce. Les ouvriers qui s'étaient faits observateurs baissèrent soudainement la nuque, couvrant tant que possible les tremblements qui parcouraient leurs membres. Le patron jurait tout en essuyant nerveusement le comptoir. Le Moustique méritait largement son "salaire" de protection mais il n'était pas réputé pour faire dans la finesse. Les ouvriers finiraient par déserter l'établissement si les conflits se faisaient trop fréquents.

Il fut étonné lorsque le nouveau venu renchérit sur les provocations. En voila un finalement qui en avait. Il repensa au mois passé lorsque deux bouffons costumés avaient pénétré armés dans le bar pour dévaliser les bookers. Le Moustique avait agi : on avait retrouvé l'un des deux les jambes brisées dans une rue voisine, handicapé à vie.

"Ta vie, j'en ai rien à faire. On a tous des ennuis. Le respect, il y a que ça de vrai"

Le Fantôme était soudain confronté à la dure philosophie des bas fonds de la ville. L'absence totale de considération pour autrui doublée d'une nervosité permanente. Il était alors aisé de comprendre la courte moyenne de durée de vie des super-héros œuvrant dans les quartiers pauvres.

Le bougre était entrainé. Walker fut surpris : les deux mains du Moustique se saisirent de ses avant bras. Il eut alors une drôle d'impression, celle d'être littéralement "pompé". La fatigue commençait à se faire ressentir, son esprit flanchait alors même qu'il était incapable d'agir.

"On m'appelle pas le Moustique pour rien mon gars, je vais te pomper le sang... héhé..."

La folie des bas quartiers avait sans doute fini par le prendre lui aussi : une étrange impression de sadisme se dégageait de ses yeux excités par une victoire prochaine. Défendait-il vraiment le peuple ? Ou avait-il enfilé un costume pour éviter de finir directement dans une geôle pour meurtres successifs ? Plus d'un habitant lui devait une fière chandelle, mais sa liste de victimes s'allongeait chaque semaine.

Quelques gouttes de sang coulaient des paumes du Fantôme. Il approchait l'inconscience. Soudain, les mains de son assaillant se retirèrent brusquement. Walker reprit plus ou moins ses esprits tout en constatant les larges marques brunes au creux de ses mains. Les premières cicatrices de héros... jusqu'où ?


Le Moustique restait à présent muet : plutôt compréhensible puisqu'un fusil à pompe était collé sur sa nuque. Son détenteur avait retiré son chapeau, les ouvriers le reconnurent. Cette force de la nature aux muscles épais et dépassant presque de son marcel ainsi qu'armé jusqu'aux dents n'était nul autre que Muscle d'Or. Ce Sans-Bérêt anciennement adulé s'était vu décridibilisé après s'être fait photographié dans une chambre d'hôtel avec une mineure. Un paparazzi qui avait pour lui trop bien réussi son travail. Depuis, le Parti l'avait mis de côté, les missions accordées se faisaient de plus en plus rares et il se cachait même pour l'instant dans les égoûts. Les têtes ahuries des clients témoignaient de l'effet produit par la scène présente : trois super-héros dans un bar subitement trop étroit.


"Bas tes sales pattes d'insecte Le Moustique. Je vais sortir tranquillement avec le petit, sinon je vais rédecorer le parquet avec tes restes"

Le principal concerné grogna. Muscle d'Or prit le Fantôme par la main en le trainant vers la sortie, trop faible pour être encore tout à fait conscient de sa situation. Il ne cessait de pointer le mutant protecteur de la Poule Gauloise du long de son arme de gros calibre. Ils arrivèrent dans une ruelle obscure.

"Première leçon : un non mutant ne sort jamais sans son flingue et ses bastos dans un quartier aussi pourri de la ville. Deuxième leçon : quand on débute dans le métier, on fait pas le cowboy, surtout sans joujous. T'es qui et tu veux quoi ? Qui sait, je peux aider"

Christophe n'avait pas été assez rapide pour réagir de manière appropriée : il s'était fait avoir comme un débutant, et s'en voulait déjà. Pour avoir étudié la politique locale, il connaissait Muscle d'Or et n'était pas très chaud pour lui faire entièrement confiance ; néanmoins, il venait quand même de lui sauver la mise et il pourrait peut-être l'aider, après tout. Lui savait comment gérer ce genre de situation, par exemple.

"Euh...merci..."

Il avait mal au crâne et saignait quelque peu, même s'il savait que ce n'était pas grand-chose. Tout tournait un peu autour de lui et il dut se tenir la tête pendant quelques secondes pour reprendre ses esprits ; les deux hommes avaient marché vers une ruelle parallèle, sombre et humide, adéquate pour une petite discussion. Il prit de grandes inspirations pour clarifier son esprit, avant de poser ses yeux blancs sur Muscle d'Or : il commençait à revenir un peu sur Terre.

"Je suis le Fantôme, et je suis nouveau...en ville. Je viens du Bengale, en Afrique : je ne connais plus vraiment les habitudes des cités, surtout comme Sainte-Justice. J'ai accompagné ici un ami à moi, Kit Walker, dont je connais la famille depuis plusieurs générations, pour rencontrer son fils, mais Kit a été tué alors que je réglais une affaire. Je suis venu enquêter sur sa mort mais si ma réputation n'est plus à faire dans la jungle, je crois que je devrais reprendre quelques bases."

Le Fantôme avait un peu menti mais il devait à tout prix masquer sa véritable identité et faire croire qu'il était bien la "légendaire" Ombre qui Marche du Bengale. Tout cela semblait bien difficile mais il éprouvait un certain plaisir à faire ça, même s'il masquait tout ça.

"Walker a été tué d'une balle en pleine poitrine et il ne connaissait personne ici. Son fils n'a pas de réels ennemis, hormis le fait qu'il étudie sur la politique locale et donc qu'il peut "ennuyer" certaines personnes, mais j'en doute encore. Je voulais savoir certaines choses ici, mais je pense que tu sais mieux comment faire."

Muscle d'Or s'était adossé à un mur de brique délabré pour écouter son compagnon d'un soir. Machinalement, il avait dégagé sa longue crinière blonde en arrière et astiquait à présent son fusil à pompe à l'aide d'une serviette sur laquelle était brodée en lettres d'or son nom de super-héros. Un témoignage de sa gloire passée.

Il ne s'étonna pas de la soudaine franchise du Fantôme : après tout il venait de lui sauver la mise. De plus, à une époque non lointaine, de nombreux jeunes Sans-Bérets venaient se confier à lui sans peur d'être jugés puisque lui-même adoptait régulièrement des mœurs plus que légères.

La plupart du contenu de son histoire n'avait que peu d'importance. Il fallait savoir lire entre les lignes : Muscle d'Or était peut-être susceptible de lui rendre un service que le Fantôme devrait lui rendre. Rien n'était gratuit, pas même entre super-héros.


"Le Bengale... ca fait un bout de chemin ouais. Des types descendus froidement il y en a tous les jours mais bon... je peux peut-être t'aider. Je connais du monde, je pourrais t'y mener. Mais... parcequ'il y a toujours un mais mon gars, il va falloir que tu m'aides dans ma nouvelle ascension. J'veux pas crever dans les égouts, j'veux regoûter les sommets tu vois ? On m'a piégé, j'avais un tas d'ennemis. J'ai une liste de vengeance. J'ai besoin d'un assistant"


--> Si tu acceptes, tu peux lire la suite et y répondre. Sinon j'éditerai en conséquence

Spoiler:

Christophe ne savait que penser : devait-il accepter la proposition ? Malgré sa chute, Muscle d'Or avait des connaissances inestimables du milieu et des moyens de faire parler les gens. De plus, il pourrait user de sa "renommée" pour avancer plus facilement et construire sa propre réputation pour terrifier les petits délinquants et criminels. Néanmoins, Muscle d'Or était aussi quelqu'un aux moeurs critiquables, abjectes si les rumeurs étaient vraies : il s'était toujours douté que le Sans-Bérêt avait été piégé, mais il y avait bien eu quelque chose ce jour-là, dans cette chambre d'hôtel avec cette mineure...même si elle n'avait pas été violée, ce qui était encore loin d'être prouvé, il y avait quand même eu détournement de mineur, au moins.

Pouvait-il accepter d'aider quelqu'un comme ça ? Pour son père ? L'honneur familial le réprouvait, mais il était bien loin du Bengale...et bien loin d'être sur une piste. Peut-être devrait-il accepter cette collaboration, mais avec ses règles à lui. Hors de condition de salir ce costume.

"Je ne suis pas un assistant mais je veux bien t'aider à laver ton honneur, Muscle d'Or, s'il est bien à laver. Je ne veux pas être mêlé à des actes de vengeance : si des preuves sont à trouver pour t'innocenter, nous les chercherons et les livrerons à la justice. Ce n'est pas en t'abaissant au niveau de ceux qui t'ont fait ça que tu t'en sortiras..."

*...si tant est que tu puisses t'en sortir.*

Sans un autre mot, il décida alors de le suivre, passant dans des rues sales et humides avec un mauvais pressentiment. Il avait de plus en plus de mal à accepter d'aider Muscle d'Or : ce dernier semblait être tombé trop bas, trop profondément pour pouvoir s'en sortir. Cette impression se confirma quand il voulut lui donner une cagoule et le faire agir violemment.
Le Fantôme écouta calmement ses paroles avant de lever sa main en signe de refus ; il parla d'une voix calme mais claire : il n'était pas d'accord.

"Non. Si ce photographe est blessé ou si son appartement est saccagé, ils sauront que c'est toi ou au moins s'en douteront, et si ton innocence est prouvée ça sera encore entâché par cette histoire. Ce n'est pas en agissant ainsi que tu t'en sortiras : tu dois être au-dessus de tout ça, prouver que tu peux incarner des valeurs supérieures à ce qui t'a fait plonger. Je peux aller voir ce photographe et discuter avec lui, organiser un rendez-vous ou bien lui tirer des informations sur comment il a su que tout cela se passerait ainsi. Mais pas de violence."

Sa voix était assez autoritaire pour prouver à Muscle d'Or sa détermination ; Christophe s'impressionnait lui-même, visiblement plus que déterminé par la simple présence de ce collant sur lui.

Muscle d'Or scruta tant bien que mal le Fantôme d'un œil amusé. Encore un bougre épris de justice, un nouveau qui pensait que la ville portait bien son nom. Il avait fini par considérer de façon assez cyniques les héritiers des paladins mais le jeune homme vêtu de violet semblait encore plus décidé que d'autres.

"Tu m'as vraiment pris pour le dernier des blaireaux mon pote. J'te pardonne. Tu pensais que je laisserais la moindre trace de ce photographe ? Tout se négocie dans cette ville... un photographe quitte subitement la ville après avoir été lui même impliqué dans une affaire quelconque.. c'est le circuit. Mais tu me fais marrer... va le voir, j'vais te laisser une chance de t'exprimer. Je m'occupe des deux ploucs en attendant"

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le héros déchu s'était glissé avec une agilité impresionnante à travers deux poubelles. Il répéra aisément la voiture dans laquelle deux policiers écoutaient vaguement un cd de pop bien mièvre tout en mangeant des donuts gras. Il rampa littéralement le long du véhicule avec une grande subtilité. L'homme avait un passé militaire, sans aucun doute. Il dégaina de sa ceinture ce qui semblait être un fumigène. Il l'inséra dans le conduit de ventilation tout en faisant un grand sourire à Walker. Le type avait l'habitude, peut-être trop l'habitude d'opérer de la sorte. De sa main droite, il lui indiqua le chiffre 3, comme le troisième étage, là ou se trouvait le photographe. Les deux policiers s'endormirent en un instant, quasiment après avoir inhalé la première bouffée de la substance mystère.

Au troisième étage, dans un appartement de piètre accabit dormait le photographe. Son logement était sale et couvert de photographies en tout genre. Un ordinateur portable en veille laissait entendre un murmure de film pornographique. Sur la même table, une fin de repas chinois froid. Il n'était qu'un perdant opportuniste comme Sainte-Justice en produisait tous les jours.

"Pas de violence inutile."

Christophe savait que Muscle d'Or le prenait désormais moins au sérieux mais il ne pouvait accepter d'agir ou de voir quelqu'un agir de la sorte. Son père, même s'il ne lui avait jamais rien dis sur sa filiation, l'avait élevé dans des valeurs qui étaient incompatibles avec ce genre de choses, et il commençait à comprendre pourquoi on avait voulu faire tomber cet ancien "héros". Il fallait voir si tout n'était pas le fruit d'un complot, mais Muscle d'Or lui était maintenant clairement antipathique.
Il l'observa ramper et agir, puis acquiesça quand il lui indiqua l'étage ; il le regarda encore faire jusqu'à ce que les deux policiers soient inconscients, avant de se déplacer vers le niveau du photographe.

Agile, il sauta sur le rebord de la fenêtre de sa "cible" et s'accrocha juste avec ses doigts, comme il avait appris à le faire dans la jungle. Il resta ici quelques secondes, le temps de sécuriser sa position, avant de prendre appui sur le mur pour grimper et se soulever pour parvenir accroupi sur le rebord. Tout cela avait demandé un certain effort et il soupira, reprenant sa respiration avant d'ouvrir la fenêtre et d'entrer dans l'appartement.

Comme il s'en doutait, l'endroit puait le pathétisme et la solitude. L'homme dormait sur son lit sale et semblait être assez assoupi pour n'avoir rien entendu ; il le fixa quelques secondes avant de regarder autour de lui, à la recherche d'un éventuel indice : il observa photographies, images, livres pour voir si quelque chose ne serait pas capté par son oeil.
Puis, le Fantôme s'approcha, prit le photographe au collet et le souleva en lui parlant fortement de son air le plus noir. Le début de la campagne de terreur commençait.

"Qui t'a dit où trouver Muscle d'Or pour la photo ? Qui ?"

Il le secoua un peu pour le réveiller et pour lui faire comprendre qu'il devait se mettre à table.

"Je te crois innocent...mais ça ne durera pas."

Difficile de rêver tranquillement à Sainte Justice. Le photographe s'imaginait riche et bronzé dans un palace d'Afrique du nord, entouré de dizaines de jeunes femmes tout à fait son goût, taillées par sa propre imagination restreinte mais féconde en pornographie. Soudain, un tremblement de terre dévasta son château fictif.

Dur retour à la réalité : appartement minable, odeur d'alcool et de tabac froid, habits gardés pour dormir car trop ivre, vie pourrie. Malheureusement, il eut droit à un petit bonus : un psychopathe avait pénétré son logement pourtant surveillé par la police pour le porter sauvagement au dessus de son parquet usé.

Même pas Muscle d'Or. Il retint sa vessie à l'arrachée, se contentant de trembler de tout son corps tout en l'implorant.

"Pitié... Oh mon dieu... oh mon dieu... pitié..."

Et pourtant la réalité le rattrapa : ce personnage à moitié camouflé par l'obscurité qui cherchant son commanditaire ne semblait pas faire dans l'humanitaire. Il se reprit comme il le pouvait, rassemblant les limbes de courage qui se dissimulaient au fond de lui. Il n'allait tout de même pas cracher le morceau au premier blaireau costumé venu. Son métier lui en avait fait connaitre des plus belles même s'il les avait déjà oublié à travers l'alcool.

"Tu te prends pour qui larbin ? Je sais pas ce que t'as fait avec la police mais tu seras coffré dans moins d'une heure héhé..."

"Muscle d'Or s'occupe d'eux."

Christophe avait dit ça d'une voix calme, sombre, autoritaire. La menace était sous-jacente et claire.

"Ce n'est que grâce à moi qu'il n'est pas là. Il te veut, et si tu réponds mal...il t'aura. Je suis la seule chose entre toi et lui, entre toi...et ce qu'il te réserve. Alors parle."

Un petit sourire sadique était né sur son visage, plus forcé que naturel. Il ne voulait pas que le photographe soit maltraité, mais celui-ci devrait parler pour s'en sortir. S'il ne trouvait pas quelque chose à "donner" à Muscle d'Or, ce dernier reviendrait et s'occuperait seul de son bourreau. Et même s'il le comprendrait s'il avait raison, il ne pouvait accepter de telles pratiques.

"Qui a balancé l'info' sur Muscle d'Or ? Pourquoi toi ? Quand ? Où ?"

Il intensifia sa prise en soulevant un peu plus le photographe dans les airs. L'entraînement enfantin et adolescent servait à quelque chose d'autre qu'à la séduction, finalement.

"Il t'attend, tu sais. Chaque jour, il a imaginé quoi te faire. Il est doué."

Le photographe frémit à l'énonciation de Muscle d'Or. Son cliché était devenu célèbre et il avait obtenu une coquette somme qui lui avait permis de rembourser la totalité de ses dettes. Pourtant, il n'avait pas fait une nuit sans cauchemars depuis ce jour, et il commençait à regretter son acte. Savoir Muscle d'Or en liberté l'emplissait d'une angoisse terrible qui le faisait se retourner chaque jour dans la rue, malgré la surveillance policière à laquelle il ne croyait plus trop : il avait aussi photographié longtemps des agents de l'ordre corrompus.

Walker n'avait pas laissé de place au doute : il le crut sur parole au sujet de la présence de Muscle d'Or. Une fois de plus, sa vessie faillit ne pas lui être fidèle. Le héros blond était un barbare qui s'était trouvé une légitimité derrière un masque.

Il n'avait pas le choix donc et au fond il se doutait que la situation devait arriver un jour. Balancer ou se faire découper. Il demeurait toutefois pessimiste : donner des informations ne lui garantirait qu'un délai de vie supplémentaire. Tôt ou tard, le Muscle d'Or viendrait lui régler son compte et personne n'en saurait rien car il n'était rien.

"D'accord, merde... lâchez moi...arg"

Il s'assit sur le rebord du lit, se passa une main dans ses cheveux gras puis fixa le Fantôme d'un regard inquiet.

"J'vous dis ça et vous me foutez la paix, et... l'autre aussi. Moi je suis qu'un exécutant, on m'a demandé de faire la photo, on m'a filé l'adresse, du gâteau quoi. En tout cas, il fallait faire disparaitre la source que je ne connais pas non plus, puisque j'ai rencontré un intermédiaire après avoir reçu un message anonyme. J'ai vu... un super-héros Néo-Jacobin un peu fripouille et mal léché, on l'appelle le Taureau. Le gars opère près du Port, c'est la mascotte du quartier... c'est tout ce que je sais, tout... laissez moi... je vous en supplie. J'vais arrêter toutes ces conneries de photos, ville de tarés, de tarés..."

Il se perdit dans ses mots, envahi par la panique et la certitude de mourir dans les deux ans à venir.

Le Fantôme vit alors Muscle d'Or debout sur le balcon, à moitié caché par l'obscurité. Il paraissait serein, l'air même légèrement amusé. Il lui fit signe de le rejoindre sur le balcon sans avertir le photographe.

"Ha l'artiste ! De la finesse, du bluff... en utilisant mon nom, pas mal. J'ai quelques copains masqués un peu dans ton genre, ils tournent moins drôles avec l'âge mais enfin héhé... Le Taureau donc, j'ai entendu vaguement parler. On va se séparer maintenant. T'as deux options : ou tu te tires ou tu m'aides. Si tu vas te renseigner sur le Taureau, j'agirai aussi de mon côté. Dans quelques jours je te contacterai petit gars... t'en penses quoi ?"





Tu peux répondre ici puis le sujet sera clos : une phase de jeu entre les joueurs va commencer. Tu pourras créer un sujet où tu le souhaites, des joueurs le rejoindront bientôt et un MJ viendra biensûr ajouter le piment ! Tes barèmes seront bientôt mis à jour.

Christophe dû se retenir de sourire en voyant enfin le photographe se mettre à table, mais toute joie le quitta bientôt quand il se rendit compte que ce type était plus pathétique que condamnable. Même s'il avait participé à tout ça, il n'avait été qu'un rouage, qu'un mouchoir usé, utilisé et jeté sur le sol sans possibilité de s'en sortir. Il avait raison de dire qu'il ne tiendrait pas deux ans : avec un fou comme Muscle d'Or à ses trousses et après avoir trempé dans une telle affaire, personne ne pourrait venir le sauver.
Et ça, il ne pouvait l'accepter.

Epris de justice, d'équité et de morale, Walker ne supportait pas qu'on touche aux innocents...et qu'on manipule ceux qui avaient été trop stupides pour se laisser faire. Ce photographe n'était pas un mauvais bougre, juste un homme normal qui s'était laissé aller et n'avait plus d'espoir. Cette ville se découvrait bien plus sale et dangereuse qu'il ne le croyait, et apparemment son nom ne valait pas pour tous.

Ce fut à ce moment-là que Muscle d'Or apparut. Il lâcha le photographe pathétique et se tourna vers lui, conscient que sa "victime" ne tenterait rien contre lui. Il regarda pendant quelques secondes l'ancien héros et réfléchit à sa proposition, avant de parler d'une voix ferme et calme. Il semblait bien plus à son aise dans son nouveau rôle qu'au début de la soirée.

"Cette affaire doit être réglée mais dans les règles. Va de ton côté, j'irais voir aussi pour le Taureau et savoir si ton honneur peut être lavé. Mais n'oublie pas notre accord, Muscle d'Or : j'ai déjà fait quelque chose pour toi, comme toi pour moi. Maintenant que je vais enquêter pour savoir si tu peux être sauvé, c'est à toi de faire quelque chose. A notre prochaine rencontre, j'attends des informations sur ma propre quête. Compris ?"

C'était un peu de la folie de s'adresser ainsi à Muscle d'Or, mais le Fantôme devait à la fois poser des limites dans son "association" avec le "héros" mais aussi s'imposer comme le vrai Fantôme, un être vieux de plus de quatre siècles. Il regarda longuement Muscle d'Or avant que celui-ci ne parte ; ceci fait, il se tourna vers le photographe et retira lentement son gant gauche, découvrant sa main nue mais surtout sa bague "de bienfait".

"Tu n'es pas responsable de tout mais de beaucoup. Tu as besoin d'aide, de protection mais rien n'est gratuit."

Il prit la main droite du photographe et la tourna. Il apposa alors sa bague sur le poignet intérieur de l'homme, certainement décontenancé.

"Je suis le Fantôme : je viens d'Afrique et je protège ceux qui le méritent et punis ceux qui doivent l'être. Aujourd'hui, je t'accorde lé bénéfice du doute et ma protection : quiconque s'en prendra à toi aura à m'affronter. Mais si tu refais ce que tu as fait, si tu te conduis bassement...tu auras une autre marque."

Il enleva son autre gant, révélant une bague à tête de mort, symbole hautement compréhensible.

"Tu as des réseaux, des amis : je veux que tu enquêtes sur Muscle d'Or et sur un meurtre dans le quartier étudiant, d'un étranger il y a presque une semaine. C'était un ami, je veux des informations sur lui. Je vais t'observer, photographe : je te connais, je sais tout de toi. Aujourd'hui, une nouvelle chance t'est donnée : ne la gâche pas. Le Fantôme est bon, mais ne donne jamais de deuxième chance."

Il remis ses gants, fit un signe entendu de menace non-feinte au photographe et de partir. La soirée avait été agitée, mieux valait rentrer maintenant et méditer sur tout ce qu'il s'était passé.